« Forward guidance » ? De quoi parlons-nous ? Il s’agit d’une expression anglo-saxonne qui est utilisée pour désigner le pilotage de la politique monétaire (taux) opérée par La Federal Reserve américaine (FED). Elle se caractérise notamment par un exercice de communication (très important) qui vise à accompagner les évolutions à moyen terme de la politique monétaire en fonction de la situation prévisible, de façon à réduire autant que possible les chocs et les à-coups liés aux décisions de politique monétaire. La FED définit ainsi ce concept comme une politique qui « fournit aux ménages, entreprises et investisseurs, des détails concernant le déroulement à venir de la politique monétaire ».
Le concept fait des émules, puisque la Banque Centrale Européenne (BCE), et son Président Mario Draghi sont devenus des adeptes de cette pratique, en rupture totale avec la logique antérieure de la BCE qui ne s’engageait jamais d’une période à l’autre. Les marchés ont eux-mêmes désormais intégré l’exercice. Ils se positionnent très largement en fonction des déclarations des uns et des autres. La « forward guidance » a-t-elle gagné la France ? Dans une certaine mesure oui, et l’annonce faite par le Gouverneur de la Banque de France, autour du taux du Livret A, est assez inédite pour être détaillée.
La semaine dernière nous publiions ainsi un article consacré à l’épargne réglementée (https://www.cercledesepargnants.com/lepargne-reglementee-lexception-francaise/). Dans ce dernier, nous consacrions une grande part au Livret A et au PEL. Le Livret A est encore à l’honneur cette semaine, puisque nous approchons de la date du 1er août. Pour rappel, le taux du Livret A est déterminé par une formule mathématique qui se base sur le niveau d’inflation et des taux courts. Ce taux peut être recalculé et revisité deux fois par an, au 1er février et au 1er août. Actuellement, considérant le faible niveau d’inflation, la formule aboutit à un taux de 0,5%, inférieur donc au niveau actuel de 0,75%. Le Gouverneur de la Banque de France a rendu public sa recommandation, il propose au Gouvernement de déroger à la règle et de maintenir le taux à 0,75%. Jusqu’ici rien d’exceptionnel, nous l’avions même anticipé. Il est difficile à moins d’un an d’une élection présidentielle de toucher au « produit préféré des Français ».
Où est l’originalité ?
La Banque de France dans son communiqué ne s’est pas contentée de faire savoir le taux du livret A au 1er août. Nous citons le passage qui a retenu notre attention : « Dans cette optique de stabilité, et au regard de ces prévisions d’inflation, il (le Gouverneur de la Banque de France) considère que le taux du livret A devrait aussi rester inchangé au 1er février prochain. ». Cette dernière anticipe même la prochaine date de redéfinition du taux de Livret A. Ce faisant, elle casse les codes établis en la matière. Elle délivre une information aux épargnants français, leur permettant d’intégrer cette donnée dans leur stratégie. Elle cherche peut-être à stabiliser les encours du Livret A et à limiter les retraits enregistrés lors de l’année 2015. La Banque de France nous donne un cap et un horizon : le 1er août 2017.
Il faut cependant relativiser un peu ces informations. Le 1er février arrive avant les 23 avril et 7 mai 2017, dates de la future élection présidentielle. Dans ce contexte, nous avions peu de doutes sur un changement (défavorable) de taux du Livret A. « Forward guidance » ou exercice de communication politique, nous vous laissons juger. Au-delà de cet exercice, la décision la plus importante concerne le Plan Epargne Logement (PEL). Nous nous interrogions la semaine dernière sur ce « produit d’épargne destiné à financer un projet immobilier à un taux nettement supérieur à ceux offerts par le marché ». La Banque de France a bien conscience du sujet, elle a ainsi proposé de diminuer le taux actuel de 1,5%, et de le faire passer à 1%. Elle juge même dans son communiqué le taux actuel d’« anormalement élevé ». Le PEL poursuit donc sa « normalisation » amorcée depuis début 2015. Ce dernier était encore de 2,5% au 31 janvier 2015, il a été depuis trois fois revisité pour aboutir à 1% au 1er août prochain. Voilà une décision qui va encore un peu plus modifier la stratégie d’épargne des ménages français, entre épargne liquide peu rémunérée et prise de risque, mieux rémunérée. Des ménages qui à la recherche d’un rendement compétitif avaient (en 2015) trouvé refuge dans des Plans d’Epargne Logement.