L’Astuce

L’épargne réglementée, l’exception française

par | Juil 19, 2016 | Actualités

L’observatoire de l’épargne règlementée vient de présenter son rapport annuel, l’occasion de se pencher sur ces produits d’épargne dont les Français sont si friands. Fin 2015, l’épargne réglementée représente ainsi 700 milliards d’euros, un montant supérieur au Produit Intérieur Brut des Pays-Bas. Toutefois, cette importante somme ne représente « que » 15,7% du poids total de l’épargne financière des Français (4461 milliards d’euros en hausse de +200 milliards sur un an).

Dans le détail, le Livret A, le Livret de Développement Durable (LDD) et le Livret d’Epargne Populaire (LEP) représentent près de 400 milliards d’euros. Le livret A, surnommé le placement préféré des français, porte plutôt mal son nom. En réalité, ce dernier est concentré entre les mains d’une partie des ménages. 45% des fonds sont détenus par seulement 8% des détenteurs. Toujours est-il qu’il y a 61,1 millions de livrets A en France, ce qui témoigne de sa popularité. Dans un environnement où les rendements sont bas, où la sécurité est recherchée, le produit répond aux attentes d’une partie des Français, qui y voient en plus un produit non fiscalisé. 2015 est toutefois une « mauvaise » année pour le Livret A, puisqu’il a perdu -2,7% de ses encours. Ce qui s’explique par la baisse de son taux. Ce dernier est passé sous la barre des 1% au 1er août 2015, pour atteindre un plus bas historique à 0,75%, franchissant ainsi un seuil psychologique.

Cette décision a eu pour effet de pousser certains épargnants à s’interroger sur l’opportunité de ce placement. Ce qui explique en partie la hausse enregistrée sur les dépôts à vue (+36 milliards sur 2015), et sur le Plan Epargne Logement (PEL) qui progresse de +11%. Une partie des épargnants s’est retrouvée perdue et a choisi de ne pas choisir, une autre a estimé que la rémunération du PEL était attractive, et s’est donc détournée vers ce produit également sécurisé, mais nettement moins liquide. Le PEL a connu deux « stimuli » durant l’année 2015. La baisse de son taux de 2,5% à 2% au 1er février qui a eu pour effet de créer un engouement en janvier (1 million de nouveaux plans au 1er trimestre). Puis le 1er août, où la baisse du taux du Livret A a créé une dynamique au profit du PEL.

Au final, le grand bénéficiaire de l’épargne réglementée est le PEL qui avec ses 249 milliards d’euros talonne désormais le livret A. Le grand bénéficiaire de l’épargne dans son ensemble reste l’assurance-vie (+49 milliards), qui pèse 37,2% de l’épargne française.

Le rapport insiste sur la décorrélation des rémunérations offertes par les livrets réglementés entre taux de marché, taux « fixés » et inflation. Ainsi le Livret A, sur l’année 2015, présente un écart moyen entre son taux et l’inflation de 0,85%. Un écart qui existe également entre taux « servi » et taux de financement de l’Etat, à savoir les obligations qui se rapprochent chaque jour un peu plus de 0. La France est quasiment le seul pays d’Europe doté d’une épargne réglementée. Conséquence, le taux d’intérêt moyen des dépôts français atteint 1,09% en France, contre 0,39% en Allemagne. Les taux baissent progressivement depuis deux ans. Livret A et PEL ont connu plusieurs révisions. Ils restent encore « anormalement » élevés par rapport aux « voisins ». La question est de savoir jusqu’où les pouvoirs publics sont prêts à aller dans leur politique de banalisation des taux, sachant que demeure l’avantage fiscal. Aujourd’hui, la formule qui permet de déterminer le taux de rémunération du Livret A n’est pas strictement appliquée. Elle est jugée trop éloignée des attentes des Français, de nature à les faire réagir – même si le Gouverneur de la Banque de France critique régulièrement cette inertie qui pèse sur les marges bancaires et sur les taux des crédits au logement. Le 1er août prochain pourrait être l’occasion de le modifier. Le Livret A, même peu rémunérateur enchaîne plusieurs mois de collecte positive en 2016. Dans cette période d’incertitude, les épargnants sont avant tout à la recherche de la sécurité et ne se focalisent plus sur le rendement. Ils voient aussi que les bons du trésor à 10 ans sont à 0,1 % ! La conjoncture est propice à une nouvelle baisse, mais le calendrier politique l’est moins.

L’abondance de l’épargne française fait parfois débat, dans la mesure où l’épargne peut paraître se constituer au détriment de la consommation. Son utilisation, et son implication dans le financement de l’économie réelle, alimentent encore plus l’actualité de la presse spécialisée. En ce qui concerne l’épargne réglementée, sa particularité, on en parle moins. Pour autant, nous pouvons nous interroger, sur les conséquences pour l’épargne globale, de cette décorrélation entre taux du marché et taux fixés. Le PEL, à lui seul, interpelle dans le contexte actuel. Pourquoi permettre le développement d’un produit d’épargne destiné à financer un projet immobilier à un taux nettement supérieur à ceux offerts par le marché ? Une chose est sûre : marchés, taux et réglementations, vont continuer de modifier le paysage de l’épargne française dans les mois à venir.

 

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