La France a réformé son système de retraites en 1993, 2003, 2008, 2010, 2012 et 2014. Sur ces huit dernières années, nous parlons d’une réforme tous les deux ans ! Et si l’année 2015 n’a pas connu de réforme à proprement parler, elle a été marquée par un accord non négligeable. Celui-ci concerne les caisses AGIRC-ARRCO (Association générale des institutions de retraite des cadres – Association pour le régime de retraite complémentaire des salariés). Il vient modifier les conditions d’attribution de la retraite complémentaire aux salariés du privé. Ce sont donc 18 millions de salariés et 12 millions de retraités qui sont impactés, ce qui d’une certaine manière peut bien s’apparenter à une réforme.
Si l’Etat réforme, ce n’est pas par plaisir, rappelons en effet qu’il s’agit d’un exercice très impopulaire. La situation budgétaire l’exige, tout simplement. Comme ne manquera pas de le rappeler le prochain rapport du Conseil d’orientation des retraites, présenté en juin prochain. Une baisse des ressources due à une dégradation du ratio démographique et à la situation économique, plus une hausse des dépenses due à l’augmentation de l’espérance de vie : il en résulte mécaniquement un déséquilibre, une situation déficitaire.
2016 est une année pré-électorale. Ce qui signifie que l’exécutif ne peut se risquer à ouvrir le chantier d’une nouvelle réforme. D’autant que, techniquement, le calendrier ne le permettrait plus non plus. D’un autre côté, les oppositions, où d’importants partis doivent encore choisir leurs représentants à la présidentielle, ne manquent pas de propositions sur le sujet. Chaque candidat à l’investiture propose ainsi « sa » réforme des retraites. Ce qui laisse à penser que nous connaîtrons une nouvelle réforme, lors du prochain quinquennat, presque dans tous les cas de figure.
Ce débat sur les retraites ne se limite évidemment pas à l’hexagone. Bon nombre de pays européens sont concernés par des réformes, ou débattent sur une éventuelle réforme à venir (ou examinent celles qu’ils ont menées). La semaine dernière, le Parlement grec a ainsi voté une réforme des retraites. Impopulaire, elle réduit les retraites les plus élevées, fusionne de multiples caisses d’assurance, augmente des cotisations. Une réforme « complète », qui était très attendue dans le cadre des discussions entre l’Etat grec, l’Union Européenne et le Fonds Monétaire International sur la poursuite et les conditions du financement de la dette publique.
Le débat s’ouvre également en Allemagne. Selon l’office fédéral des statistiques Destatis, un tiers des Allemands aura plus de 65 ans en 2030. Si bien que les mesures prises par le passé, principalement le passage à l’âge légal de 65 à 67 ans, ne seront pas suffisantes. La situation inquiète les citoyens allemands, et oblige les pouvoirs publics à se pencher sur le sujet. Wolfgang Schäuble, ministre fédéral des Finances, s’est prononcé la semaine dernière en faveur de la « flexibilisation » du départ à la retraite en fonction de l’évolution démographique. Cette proposition est également portée par le patronat. Dans les faits, cette « flexibilisation » se traduit par un passage de l’âge légal de départ à la retraite à 70 ans. Un débat qui vient de s’ouvrir, et qui devra aboutir en 2017, date d’année électorale en Allemagne.
Une retraite à 70 ans, c’est justement le chiffre choisi et relayé à la presse suisse la semaine dernière par Patrick Frost, le patron de Swiss Life. Selon ce dirigeant, l’espérance de vie, et l’amélioration de la qualité de vie, permettraient en effet de redéfinir l’âge de départ en retraite. Il se trouve que la caisse Assurance-Vieillesse et Survivants (AVS) a enregistré l’an dernier un déficit. Il faudra là aussi probablement réformer, si la situation perdure. Pour rappel, en Suisse, l’âge de départ à la retraite est actuellement de 65 ans pour les hommes et 64 ans pour les femmes.
En Italie, le directeur de l’Institut National de Prévoyance Sociale, a relancé le débat en annonçant que les Italiens de la génération Y (nés dans les années 1980) pourraient travailler jusqu’à 75 ans ! En effet, la réforme des retraites de 2011 a déjà repoussé l’âge de départ à la retraite à 66 ans et 7 mois, tout en accentuant la rigidité des conditions de départ. Ce qui, combiné au chômage (des jeunes), aux carrières professionnelles qui sont de plus en plus « accidentées », repousse le départ en retraite à des niveaux jugés très éloignés. Si bien que le débat d’une nouvelle réforme des retraites, plus réaliste, est relancé.
Le constat à travers l’Europe est le même : un problème de financement des systèmes de retraite. Il faudra ici ou là, à plus ou moins brève échéance, réformer. Il faudra trouver les bons leviers, les mesures les plus efficaces, en adéquation avec les caractéristiques du pays. Ceux qui ne trouveront pas le courage pour mener des réformes importantes, se verront condamnés à réformer encore et encore. Ceux qui se montreront « courageux » devront adopter des réformes justes, qui n’étouffent pas les générations futures, sous peine de voir le système remis en cause. Pas facile, mais obligatoire.