Depuis la crise financière de 2008, nous avons engagé un processus de mutation économique qui nous amène progressivement dans une nouvelle ère. En termes macro-économiques, cette nouvelle situation se caractérise à la fois par un faible taux de croissance, une faible inflation (quasi-nulle) et de faibles taux d’intérêt. Ces trois évolutions ne sont évidemment pas neutres pour notre économie, notamment pour l’emploi, elles ne le sont pas non plus pour le comportement d’épargne des ménages. Ajoutons à cela, par répercussion, une nervosité sur les marchés financiers, qui engendre une forte volatilité, de quoi inquiéter sur les placements boursiers. Il n’en faut pas plus pour les ménages français, déjà culturellement frileux pour ce type de produit. Ainsi, quand on observe de plus près le comportement des ménages français à l’instant présent, et sur moyenne période, il se dégage deux constantes.
Une aversion au risque qui conforte l’épargne de long terme
Le taux d’épargne des ménages français est en augmentation depuis 2009. Pour rappel, plus une situation économique se dégrade, plus l’individu épargne. Pour les économistes : c’est l’équivalence ricardienne. Le taux d’épargne augmente avec le déficit budgétaire et la montée de la dette : on épargne aujourd’hui pour rembourser demain ! Les ménages constatent en effet l’absence de croissance et la montée de la dette. Inquiets, ils développent une aversion au risque et recherchent un produit qui réponde à leur souci d’épargne de précaution. Aujourd’hui c’est l’assurance-vie qui se démarque très nettement, dans les chiffres et les esprits.
L’encours des contrats d’assurance-vie s’élève actuellement à 1.588,6 milliards d’euros (mars 2016). Une collecte nette qui est positive sur les 12 derniers mois. Une collecte nette sur le début d’année 2016 qui est même supérieure à celle de début 2015, signe de la dynamique du produit. Dans notre dernier sondage, à la question « Aujourd’hui, pour épargner, quels sont les meilleurs produits à vos yeux ? » 39 % des Français répondent l’assurance-vie, en hausse de 3 points sur une année. L’assurance-vie est le meilleur produit d’épargne aux yeux des Français. C’est encore plus vrai en 2016, qu’en 2015. Car, si en 2015 l’assurance-vie partageait la dynamique avec le Produit d’Epargne Logement (PEL), la situation risque de changer en 2016. La raison est simple : le PEL répond bien à la problématique d’un placement sûr, mais les baisses successives de son rendement ont fait perdre de sa compétitivité. Son taux était de 2,5 % au 31 janvier 2015, peu éloigné des niveaux de l’assurance-vie. Il est tombé à 2 % au 1er février 2015 et même 1,5 % au 1er février 2016, un rendement qui risque d’être jugé insuffisant par les ménages. Dans notre sondage, 27 % des Français plébiscitent encore le PEL, contre 35 % en 2015. Si la sécurité est recherchée, le rendement reste déterminant.
Les Français se tournent ainsi vers l’assurance-vie, et bien que « frileux », un nombre important à la recherche de produits plus performants, vers des assurances-vie comportant des unités de compte. Ainsi au premier trimestre, sur les 7,8 milliards de collecte nette, les supports en unités de compte représentent 3,4 milliards d’euros.
Des ménages toujours dans l’attente
Les dépôts à vue, cet argent qui ne travaille pas, ne rapporte pas, mais qui est disponible, nous renseignent sur l’état d’esprit des ménages. Au premier trimestre 2016, les dépôts à vue représentent 344,6 milliards d’euros, ils étaient de 265 milliards en 2010. Sur l’année 2015, ce sont 35,7 milliards d’euros qui sont venus gonfler les encours. Un chiffre à comparer avec les 18,4 milliards d’euros de l’année précédente, qui démontre l’attentisme d’abord, autrement dit l’absence de réponse (adéquate) des ménages face à cette situation nouvelle et compliquée. Une hausse des liquidités qui prouve aussi que les ménages ne jugent pas les derniers signes de bonne santé économique (baisse du chômage et hausse récente de la croissance) suffisamment forts ou convaincants. Ils ne les trouvent pas suffisamment forts, ou tout du moins durables. Voilà pourquoi ils épargnent, sous deux formes. Une partie d’entre eux le font dans de l’assurance-vie, jugeant ce produit comme le plus performant. Les autres sont dans l’attente, liquides. Aucun produit ne trouve grâce à leurs yeux, tant les taux proposés leur semblent faibles, surtout lorsque l’on prend en compte la fiscalité. Ils oublient probablement de prendre en compte l’absence d’inflation. Toujours est-il que cet argent n’est pas consommé, mais épargné. Toujours est-il surtout que cette épargne est dormante, non investie. Il s’agit là d’une mauvaise nouvelle pour notre économie, qui a besoin d’investissement, pour renouer avec une croissance durable. D’autant que la politique monétaire actuellement menée vise très largement à encourager l’investissement. Souhaitons donc que cette préférence pour la liquidité soit temporaire et que l’investissement financier pro-croissance, déjà plus fort, se développe encore.
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