De quelle réforme des retraites parlez-vous donc ? Le Gouvernement entend-il rouvrir le chantier de la (l’éternelle) réforme des retraites avant 2017 ? A notre connaissance : non ! Il a déjà fort à faire avec les négociations autour de l’assurance chômage. Contrairement à 1993, 2003, 2008, 2010, 2012 et 2014, 2016 ne devrait pas être une année de réforme des retraites. L’agenda des réformes semble bien plein par les temps actuels. Nous faisons ici allusion à la contribution de l’Institut Montaigne. Ce think tank s’est penché sur le sujet et a imaginé quelles mesures mettre en place pour assurer la pérennité de notre système.
Mais pourquoi donc l’Institut se pose-t-il la question d’une réforme des retraites qui ne figure pas à l’ordre du jour gouvernemental ? La réponse est simple, il nous la donne : « la question du financement des retraites n’est pas réglée ». Voilà qui a le mérite d’être clair. Ce n’est pas parce que nous n’en parlons pas qu’il n’y a pas de sujet. Pour faire ce constat, l’Institut se base sur les travaux du COR (plusieurs fois commentés sur notre site). Pour rappel, nous les citons : « le déficit annuel des régimes de retraite continue de s’établir à 6 milliards d’euros environ pour l’année 2014. Toutefois, ce calcul ne tient pas compte de la situation des régimes spéciaux et de la fonction publique » et « à l’horizon 2040, la dette cumulée des régimes de retraite par répartition devrait représenter environ 18 points de richesse nationale, voire nettement plus selon le scénario économique retenu ». Constat que nous partageons.
Pour rappel, traditionnellement pour ajuster notre régime de retraite, il existe trois leviers d’action que l’on peut combiner :
- Augmenter la durée de cotisation, en augmentant le nombre d’années de cotisation obligatoire et/ou déplacer l’âge limite de départ en retraite.
- Augmenter le niveau de cotisation
- Voir le niveau de pension diminuer.
Parmi ses propositions, l’Institut préconise ainsi de « faire évoluer simultanément l’âge de la retraite et la durée de cotisation ». Ils retiennent 43 années de cotisations et un âge limite de 63 ans, à mettre en œuvre dans les dix ans. Pourquoi ces deux variables, ensemble ? Parce qu’elles agissent différemment sur la population. Un relèvement de l’âge légal impacte davantage les personnes ayant commencé leur carrière tôt. Inversement, plus une personne entrera tardivement sur le marché du travail, plus la période obligatoire de cotisation influera. Nous l’avons déjà vu et écrit dans de précédents articles, la durée de cotisation reste la variable la plus forte pour rééquilibrer le système. C’est plus de ressources (plus de cotisations), et simultanément moins de dépenses (période passée en retraite plus courte). Selon le think tank, cette double mesure permettrait de rééquilibrer les comptes à l’horizon 2025.
Si la double mesure est techniquement simple à mettre en œuvre, puisqu’il s’agit de modifier les paramètres existants du modèle, l’Institut propose également une troisième mesure, plus compliquée : faire converger les régimes public et privé. Il s’agit d’une proposition régulièrement relayée par les différents laboratoires d’idées. Leur étude met en avant les « principes de justice et d’efficacité ». Effectivement, le grand nombre de régimes engendre des différences notables. Nous pouvons citer l’exemple de la pension de réversion qui est très différente en fonction du régime d’origine. Des méthodes de calcul qui différent, et qui peuvent être jugées plus favorables dans tel ou tel régime. Des pratiques développées au fil des années, notamment dans le public, qui au final font diverger les régimes. Nous pouvons citer le taux des cotisations patronales acquittées par l’État. Ce dernier est passé de 49 % à la fin des années 90 à 74 % en 2014. Il s’agit d’une mesure dont les bienfaits sont difficiles à estimer, dans la mesure où ils dépendent du scénario de convergence retenu. Dans la mesure où on aligne public sur privé de manière « ambitieuse », c’est entre 10 et 15 milliards d’euros d’économies par an selon l’IFRAP. La présente étude avance un chiffre « prudent » de 8 milliards d’euros. On sait également que nous pouvons attendre 1 milliard d’économies de gestion par la simple fusion des caisses.
Au final, l’étude exclue une modification du modèle dans son ensemble. Ces propositions font l’unanimité parmi les spécialistes du secteur. L’OCDE dans son dernier panorama des pensions présentait des pistes semblables. La première proposition (durée cotisation et âge) est assez impopulaire et donc politiquement difficile à porter. 67 % des Français (Opinionway juin 2015) ne souhaitent pas voir l’âge de départ en retraite reculé au-delà de 62 ans. La seconde (convergence public-privé) est plus populaire. Puisqu’à la question : « Faut-il revoir les modalités de départ à la retraite concernant la fonction publique (policiers, militaires…) et les régimes spéciaux (cheminots, agents EDF…) pour les rapprocher de celles qui sont appliquées dans le secteur privé ? » 80 % des Français répondent : oui ! Les candidats à la primaire de la droite et du centre se prononcent actuellement sur l’épineuse question des retraites. Vous l’aurez compris, il sera difficile d’éviter le sujet d’ici 2017.