La démographie est l’un des facteurs majeurs dans le fonctionnement et l’équilibre de notre système de retraite. C’est également une variable clé dans son évolution. Nous pensons en particulier à l’arrivée des générations du Baby-Boom en retraite et à la dégradation du ratio démographique. Pour rappel : on compte en France 2,5 personnes de 20 à 59 ans pour chaque de 60 ans et plus en 2006, 1,4 en 2060. Nous restituons donc les conclusions du bilan démographique 2015 réalisé et présenté par l’INSEE.
Au 1er janvier 2016, la France compte 66,6 millions d’habitants (64,5 millions en métropole). Un chiffre en augmentation de 247.000 en une année, soit une hausse de + 0,4 %. Nous pourrions nous réjouir de ce résultat, car il s’agit là d’un solde positif. Mais lorsqu’on entre dans le détail, on trouve des indicateurs qui peuvent inquiéter – notamment sur la dynamique démographique de notre pays.
Un nombre de naissances en recul
Le nombre de naissances est de 800.000. Il est en diminution de -19.000 sur une année. Ce qui a pour conséquence de faire passer l’indicateur conjoncturel de fécondité sous la barre des 2 enfants par femme à 1,96. Pour se situer, il s’agit du niveau français de 2005, le plus mauvais résultat des dix dernières années. Que se passe-t-il donc ? La crise est passée par là il est vrai, mais c’était déjà le cas l’année dernière et l’année précédente. Il faut sûrement ajouter à cette situation économique une remise en cause de la politique dite de la famille. La France, historiquement, menait une politique incitative. Elle accordait notamment des aides ou des remises fiscales, aux familles avec enfants, selon le principe de l’universalité. C’est-à-dire « aider » ou « encourager » tous les Français de la même manière, indépendamment de leur niveau de ressources. Même si le résultat est décevant, et récent, attention toutefois de ne pas verser dans le catastrophisme. Avec 1,96 enfant par femme, la dynamique de natalité française reste supérieure à bon nombre de pays européens, nous pensons à nos voisins allemands en particulier. Au final, sur ce solde de 247.000 personnes, les naissances contribuent pour 200.000 et l’immigration pour 47.000.
Un nombre de décès au plus haut depuis l’après-guerre
Avec 600.000 décès en 2015, et une augmentation de 41.000 décès sur une année, soit + 7,3 %, il faut remonter à l’après-guerre pour observer de tels niveaux. Fait d’autant plus marquant, que sur les deux années précédentes, ce nombre était en recul. L’INSEE met en avant des « conditions épidémiologiques et météorologiques peu favorables », tout particulièrement trois épisodes de surmortalité.
L’INSEE cible principalement le premier trimestre de l’année et son épisode de Grippe responsable de 24.000 décès supplémentaires par rapport à 2014. Ce que l’on retrouve dans les bulletins épidémiologiques de l’Institut National de Veille Sanitaire. Nous citons celui du 28 janvier 2015 : « Mortalité supérieure aux valeurs attendues. Cet excès de mortalité toutes causes touche essentiellement les personnes de 85 ans et plus. » Avec le recul l’ampleur de cet épisode peut surprendre, car la couverture médiatique d’alors était relativement faible en comparaison des années précédentes grippe H1N1 (300 morts) et épisode de canicule de 2003. Pour rappel, lors d’une année « classique », on compte entre 1.500 et 2.000 décès de grippe. Toujours est-il qu’avec le recul et les données statistiques, ce sont 24.000 décès qui se trouvent imputés à la grippe par l’INSEE durant cette période.
Un second épisode, l’été, correspond à une période de canicule avec au final 2.000 décès supplémentaires. Et un troisième épisode, au milieu du mois d’Octobre, avec une « vague de froid » qui serait responsable de 4.000 décès supplémentaires. Concernant ce dernier phénomène, nous citons Patrick Galois, prévisionniste à Météo-France : «Localement et ponctuellement, il a fait les valeurs les plus basses depuis 40 ans» mais «ce n’est pas le mois d’octobre le plus froid depuis 40 ans». «On a des températures qui sont de 8 à 10 degrés en dessous de la normale, donc c’est un coup de frais bien senti». Il ajoute qu’il ne s’agissait pas d’une vague de froid. Même si cet épisode n’est pas des plus marquants, il serait responsable de 4.000 décès. En tout 24.000 décès supplémentaires imputés à trois événements « épidémiologiques et météorologiques peu favorables » qui laissent sceptiques certains observateurs du monde médical notamment. Ces derniers y voient une baisse de l’espérance de vie des nouvelles générations (mode de vie, pollution, etc…).
Au total, nous constatons un ralentissement ou recul des naissances, que l’on peut imputer à la crise, à de nouveaux comportements sociaux, au vieillissement lui-même plus à une politique familiale chamboulée. A cela s’ajoute une hausse des décès qui cumule plusieurs raisons mais qui aura peut-être pour conséquence de relancer le débat sur l’allongement de l’espérance de vie. Il était jusqu’à présent acté que ce dernier s’améliorait de manière rapide et forte d’année en année. Bon nombre d’acteurs économiques et institutionnels utilisent d’ailleurs régulièrement cet argument. Par exemple un (tout ?) Gouvernement lorsqu’il entend reculer l’âge de départ à la retraite. Or, en 2015, l’espérance de vie à la naissance diminue de 0,3 an pour les hommes et 0,4 an pour les femmes. Autre information importante dans le cadre de la pérennité de notre modèle de retraite, au 1er janvier 2016, 18,8% de la population a 65 ans ou plus. Il va donc revoir les analyses et les hypothèses.
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