L’Astuce

Les mutations de l’industrie financière

par | Déc 1, 2015 | Actualités

La semaine dernière, notre Président, Jean-Paul Betbeze, intervenait lors d’une conférence organisée par Generali sur les mutations de l’industrie financière. En voici les principaux points.
Pour résumer la situation, nous sommes confrontés non pas à une crise, mais à deux. Une première, conjoncturelle, correspond à une évolution cyclique des affaires, assez traditionnelle. Une seconde, structurelle, est en fait une mutation : c’est l’arrivée de la nouvelle économie ou « uber-économie ». Et ces deux crises se répondent, ce qui explique la difficulté et la dureté de ce que nous vivons.
La crise de 2008, conjoncturelle, est au fond une crise des excès de la finance. Face aux changements et aux risques portés par la nouvelle économie, beaucoup ont en effet « joué les prolongations », surtout aux Etats-Unis. Ils ont tenté de prolonger autant que possible leur croissance « classique » à travers l’immobilier et les fameux subprimes, qui eux n’étaient pas classiques, avec les conséquences que nous connaissons.
Aujourd’hui il faut réparer les dégâts causés par cette crise. La situation est comparable à d’autres crises majeures passées de l’immobilier, mais avec en plus un problème de confiance de la part des investisseurs. D’où sa gravité. Ce qui n’est pas bon pour l’investissement, qui est pourtant la réponse pour se sortir d’affaire.
A cela s’ajoute une situation macroéconomique profondément bouleversée. L’économie est désormais caractérisée par un faible taux de croissance, l’un des signes de la nouvelle économie – au moins à ses débuts. Désormais, l’investissement ne se fait plus autant dans des machines, mais bien plus dans de la formation. Les ordinateurs valent de moins en moins cher et détruisent les activités qui ne savent pas assez vite s’adapter, faute d’agilité et de formation, et pour utiliser ces ordinateurs, il faut de plus en plus de formation.
Ainsi, dans les pays industrialisés, Etats-Unis, en premier lieu, il faut « réparer » les excès de la finance passée et de l’immobilier, réparer la crise des subprimes par des taux bas et repartir vers de nouveaux territoires. Si les acteurs économiques ont pris acte d’une économie mondiale avec une faible croissance, ils ont aussi noté que cette dernière serait plus stable. L’inflation a disparu, l’objectif des 2% semble loin, même si à terme nous y arriverons.
En parallèle, on constate une modification du comportement des « émergents » qui n’est pas sans conséquence. Ainsi la Chine, atelier du monde, tournée vers l’exportation va désormais se consacrer plus à sa demande intérieure. Ce qui se traduit par un atterrissage en douceur (souhaitons-le), vers des taux de croissance plus « normaux ». Mais ce sont aussi des opportunités qui s’ouvrent pour les acteurs du monde de l’assurance et de la banque, dans un pays où il n’y a pas une gestion de l’épargne aussi qualitative que la nôtre. S’ajoute à cela une chute des prix du pétrole orchestrée par l’Arabie saoudite. Elle s’est lancée dans une guerre du prix pour écarter les rivaux actuels (gaz de schiste américain) et futur : l’Iran. La baisse des prix du pétrole est la nouveauté majeure de la situation que nous vivons.
En même temps et très profondément, cette uber-économie qu’on le veuille ou non a déjà marqué notre économie, et ce n’est pas fini. Elle repose sur l’idée qu’avec moins de capital, on peut faire de la croissance, avec le partage. Non pas dans le sens religieux du terme, mais dans un sens économique, une meilleure utilisation et répartition : de la location. Ainsi si vous êtes propriétaires, vous allez louer votre logement le temps que vous ne passez pas dedans (airbnb). Lorsque vous faites un déplacement avec votre voiture, vous allez partager la course (blablacar), etc… Cette nouvelle manière de procéder repose avant tout sur une flexibilité et sur une proximité avec le « client ».
L’uber-économie est-elle créatrice de richesse ?
L’uber-économie entraine en réalité un déplacement de revenus. Les économies réalisées dans ces nouveaux modes de consommation vont permettre des dépenses dans d’autres domaines. Si vous économisez sur votre transport lors d’un séjour, vous vous retrouvez avec davantage de ressources, pour rester plus longtemps par exemple.
Les défis de la Banque, dans cette nouvelle configuration ?
Le risque face aux nouvelles technologies c’est la désintermédiation, autrement dit la disparition, rien que ça ! La banque numérique est moins chère, car elle nécessite moins de bureaux, moins de personnel, etc… Elle est appréciée des plus jeunes (connectés) et gagne ainsi des parts de marché. Les banques traditionnelles doivent faire face également à une volonté politique de diminution de leur taille, et plus généralement de privilégier le financement par l’accès au marché. Ce qui est paradoxal, car nous l’avons vu lors de la crise, notre zone a relativement bien résisté du fait notamment de notre système bancaire. L’actuelle politique monétaire européenne, c’est-à-dire la baisse des taux d’intérêt, permet de relancer le crédit. Et le rôle même de « vérificateur » exercé par la Banque Centrale Européenne permet de renforcer la crédibilité de notre zone, ce qui favorise l’activité.
A terme, l’activité des banques dites classiques n’est pas vouée à disparaître, il y aura toujours une clientèle traditionnelle, elle devrait être moins importante. Surtout, et c’est essentiel, ces dernières vont apporter des modifications, par des diversifications dans leurs services proposés tels que les conseils sur la fiscalité, la gestion, etc… et au final être plus proches des clients. L’ubérisation implique plus de proximité.
Quels enjeux pour l’Assurance ?
La politique monétaire menée dans le monde, donc ici, a conduit à une baisse des taux d’intérêt. Elle impacte directement les assureurs dans leur capacité à proposer un produit à taux de rémunération élevé, sans que le risque ne monte beaucoup. Ces dernières proposent donc des taux en baisse depuis quelques mois. Des taux moins élevés, mais des produits sûrs, car si l’on veut un taux plus élevé, il faut accepter une part de risque bien plus élevée, ce que les épargnants ne souhaitent pas. Les assureurs ont acté que l’époque des taux supérieurs à 4% était révolue, les épargnants également.
Cette baisse des taux a pour effet de pousser les assureurs à se réformer, se moderniser, pour effectuer toujours plus d’économies et proposer au client un produit compétitif. L’un des débouchés de demain pourrait être le financement des entreprises, dans cette période où les OAT (Obligations Assimilables du Trésor) françaises rapportent moins de 1%.
Au total, nous entrons dans un nouveau monde. Il doit réparer les excès passés de la finance américaine (notamment), d’où des taux durablement bas. Il doit aussi prendre en compte la nouvelle stratégie des pays émergents, qui est celle de s’occuper plus de leur demande interne. Il doit enfin et surtout épouser les nouvelles technologies de la communication, pour plus de communication, donc plus de proximité.
 
 

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