Si les retraites dans leur ensemble ne cessent de faire parler d’elles, tout particulièrement sur le financement, qu’en est-il de la retraite de la fonction publique ? Annexé au projet de loi de financement 2016, le traditionnel rapport sur les pensions de retraite de la fonction publique nous permet d’apporter quelques éléments de réponse.
Pour rappel, son fonctionnement est assez proche du système privé. Il existe un régime de base, ainsi qu’un régime de retraite additionnelle de la fonction publique (RAFP- depuis le 1er janvier 2005). A la différence du privé les pensions sont versées par le service des retraites de l’État, qui dépend du ministère des Finances, sur la base (parfois controversée) du calcul de la pension sur les six derniers mois de traitement contre les vingt-cinq meilleures années de salaires dans le privé.
Comme toujours dans le système de retraite français, quand on parle des retraites de la fonction publique, on ne parle pas d’un régime, mais de six (pourquoi faire simple…). Six dont deux qui couvrent la quasi-totalité des assurés. Le régime des fonctionnaires civils et militaires de l’Etat : 2,4 millions de pensionnés pour 51 milliards d’euros de pensions en 2014. Le régime des agents des fonctions publiques territoriale et hospitalière (CNRACL) : 2,2 millions de cotisants et 1,2 million de pensionnés en 2014 pour 17,2 milliards d’euros. Deux régimes qui correspondent en fait à la fonction publique d’Etat (FPE), et aux fonctions publiques hospitalière et territoriale, le gros des troupes. L’ensemble (les six caisses) représente 5,4 millions d’agents publics soit 20% de l’emploi total, pour 73 milliards d’euros de versements en 2014, soit à peu près 24,1% des dépenses totales des régimes de retraite.
Le solde des régimes dans leur ensemble pour 2014 est proche de l’équilibre. Ce qui à première vue peut passer pour une bonne nouvelle. Pour relativiser ce résultat, rappelons que dans le système des retraites de la fonction publique, l’Etat abonde. Donc le simple solde budgétaire ne suffit pas pour juger de la bonne ou mauvaise santé du système. Toujours est-il que pour 2014 les régimes des agents publics ont un solde positif de +0,94 milliard d’euros. Dans le détail, les dépenses de pensions du principal régime augmentent de +4,4% en moyenne depuis 1990, mais elles ont fortement ralenti (inflation aidant). Ce résultat s’explique par le rythme de progression de la pension moyenne : +2,5% par an depuis 2000. Et concernant le CNRACL c’est une hausse moyenne de +6,7% depuis 1990 et +3,9% en 2014 après +5% en 2013. Le régime est touché par un ratio démographique particulièrement problématique. Ainsi, en 2012 c’est +6,1% de hausse de prestations, pour +2,8% de cotisations.
Qui paye ? Qui peut soutenir un tel rythme de dépenses ?
L’Etat ! Il est le principal financeur, à hauteur de 75% pour 2014. Et quand ce n’est pas lui qui paye directement ce sont les agences et collectivités, au final c’est de la dépense publique. Pour illustrer l’ampleur du phénomène, entre 2006 et 2014, 29% de la progression des dépenses du budget de l’Etat (+30 milliards) s’explique par les besoins de financement des retraites publiques (+8,8 milliards).
Si à l’instant présent, d’un point de vue comptable les retraites de la fonction publique ne sont pas un problème insurmontable, elles sont en réalité déjà problématiques. Dans la mesure où les actifs d’aujourd’hui sont les retraités de demain, les engagements de retraite de l’Etat (pensions actuellement versées + celles qui seront versées aux actifs actuels) à fin 2014 sont de 1 561 milliards d’euros ! Quasiment le PIB italien pour 2014… Par rapport à 2013, c’est même + 259 milliards d’euros sur une seule année.
Un problème de rythme de progression de pensions, et surtout un problème démographique (détérioration du solde prestations/cotisations) qui ne peut se résoudre à court terme. Ainsi les réformes des retraites (mesures d’âge en 2010 et allongement durée d’assurance en 2003) ont permis de ralentir l’arrivée des générations du baby-boom. Mais ces générations arriveront demain en retraite. Ce qui fait dire au COR qu’en projection « le ratio démographique des trois versants de la fonction publique se dégrade fortement ». Le nombre de cotisants va diminuer, alors que dans le même temps le nombre de pensionnés va augmenter, dans les proportions suivantes :
Cotisants FPE : 2,05 millions en 2014 et 1,9 millions en 2030
Pensionnés FPE : 1,9 millions en 2014 et 2,1 millions en 2035.
Cotisants CNRACL : 2,22 millions en 2014 et 2,29 millions en 2020
Pensionnés CNRACL : moins d’1 million en 2014 et 1,8 millions en 2044.
Le solde démographique et l’arrivée des générations du baby-boom vont engendrer une situation de déficit à court et moyen terme. L’évolution des engagements de retraite d’une année sur l’autre, le volume que représente cet engagement interpellent. Cela représente un coût supplémentaire pour l’Etat, à un moment où les finances publiques sont durablement dégradées. Rappelons que ce dernier enregistre des déficits structurels et un niveau de dette proche des 100% de PIB. Une de fois de plus c’est la question de la pérennité d’un des piliers de notre modèle social qui se pose, dans une période caractérisée par une économie à faible taux de croissance.