L’Astuce

Le cumul emploi-retraite en expansion

par | Nov 10, 2015 | Actualités

Qu’est-ce que le cumul emploi-retraite ? C’est un dispositif qui permet à tout retraité ayant liquidé l’ensemble de ses droits à pension de les cumuler avec une activité professionnelle. Cette pratique est en essor depuis 2009, date de l’assouplissement du dispositif.
Selon l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), ce sont ainsi 452.000 personnes âgées de 55 ans ou plus qui ont cumulé un emploi et une retraite en 2013, soit 3,5% de la classe d’âge. Dans le détail : très logiquement le régime général est le plus gros contributeur avec 351.100 personnes (+4,4% sur un an), les indépendants représentant 53.800 personnes (33.200 affiliés au RSI commerçants, +11% ; et 20.600 au RSI artisans +10,8%).
Dans le cadre du régime général, ce sont 3,2% des hommes qui cumulent emploi et retraite contre 2,6% des femmes ; au RSI commerçants 4,7% des hommes contre 2,8% des femmes et au RSI artisans 3,4% contre 2,7%. Une pratique qui serait donc davantage masculine.
Selon la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees), parmi les personnes concernées, 59% ont plus de 65 ans pour le régime général, un chiffre en hausse de 6 points en un an. La part des 60-64 ans diminuant dans le même temps, probablement sous l’effet de la réforme des retraites de 2010 qui contraint les personnes à partir plus tard.
Le Conseil d’Orientation des Retraites s’est également penché sur ce sujet. A partir des travaux de l’INSEE, il retient que les cumuls emploi-retraite se concentrent sur la tranche 61-66 ans (5 à 6% de la classe d’âge), contre 1 à 2% pour les 55-60 ans, et 3 à 4% entre 67 et 70 ans.
Nous retenons également que le cumul emploi retraite concerne un public à haut niveau scolaire. Ainsi près de la moitié des personnes concernées de plus de 65 ans ont le baccalauréat (seulement le quart pour le reste de la population). Les professions supérieures ou intermédiaires sont surreprésentées, et l’activité se veut plutôt non salariée.
En 2012, quand on interroge les « cumulards » sur leurs motivations, la moitié de ces retraités déclarent travailler principalement parce que leur retraite « ne suffit pas pour vivre aujourd’hui », 7 % car « cela leur permet de cotiser plus pour améliorer leur retraite de demain », 1 % pour ces deux raisons et 43 % pour des raisons non financières.
Dans cette logique majoritairement pécuniaire : la retraite « ne suffit pas pour vivre aujourd’hui », il faut davantage comprendre la retraite : « ne suffit plus pour vivre comme avant ». Nous avons déjà vu dans un article récent du Cercle des Epargnants que le taux de pauvreté des retraités est inférieur à celui des actifs et que leur patrimoine est supérieur. Nous rappelons régulièrement que la différence entre le dernier salaire et la pension de retraite, le taux de remplacement peut être difficile à vivre, c’est la raison ici citée. Lorsqu’une personne à niveau d’étude élevé, qui occupait un poste bien rémunéré part en retraite, il subit une diminution importante de ses revenus. Cette perte de revenus peut justifier ou encourager une poursuite de l’activité. Elle touche d’une manière générale toutes les catégories de retraités, mais plus fortement encore, les anciens hauts salaires. Il faudra observer dans les années à venir, où une baisse du taux de remplacement est attendue, si le cumul emploi-retraite augmente.
En parallèle du cumul emploi-retraite, il existe également le système dit de retraite progressive qui permet de cumuler une fraction de pension de retraite et des revenus d’activité à temps partiel. Au 31 décembre 2014, 3.000 personnes sont en retraite progressive.
Pour résumer, la retraite progressive est boudée, le cumul emploi-retraite se développe. Il représente malgré tout un dispositif utilisé à la marge (3,5% de la classe d’âge), et concerne surtout les professions intellectuelles ou supérieures. Libérer, encourager, donner la possibilité d’occuper une activité professionnelle est une bonne chose ! Rappelons que les vagues successives de départs en préretraite n’ont pas eu pour effet de faire reculer le chômage. Ils ont par contre eu pour effet de peser sur les finances des caisses de retraite. Et les entreprises ont perdu des compétences.
Est-ce la solution au problème des retraites ? Peut-être pas, mais cela n’aggrave pas non plus le solde du régime des retraites. Le cumul emploi-retraite n’a pas non plus pour effet d’accroitre le chômage des jeunes. Il faut encourager le travail des séniors après retraite, permettre aux retraités qui le souhaitent de travailler. Il faut surtout mettre l’accent sur le travail des séniors avant la retraite : pour permettre le transfert des compétences et savoirs entre générations, et augmenter la compétitivité des entreprises. Permettre aux séniors de travailler le plus longtemps possible dans de bonnes conditions, voilà le véritable enjeu : il passe en fait par de la formation tout au long de la vie. Quand on sait que les salariés français de plus de 55 ans sont les moins heureux d’Europe (Etude Edenred-IPSOS), voilà un défi de taille.
 

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