L’Astuce

Les retraités allemands mieux traités que les retraités français ?

par | Nov 3, 2015 | Actualités

Pendant que les syndicats et représentants du patronat apportent la touche finale à un accord visant à sauver le régime complémentaire de retraites du Privé AGIRC-ARRCO, une étude sur les systèmes de retraite français et allemands vient de sortir… Profitons-en pour les comparer.  En France, les réserves de l’AGIRC et de l’ARRCO seraient épuisées avant 2023, et au plus tard début 2018 pour l’AGIRC. Début octobre, pas moins de neuf représentations syndicales représentant les retraités étaient reçues à l’Elysée pour protester contre le montant de revalorisation des pensions de retraite en France. En Allemagne, elles vont être augmentées. En effet, Alexander GUNKEL, représentant patronal de la fédération des caisses de retraite allemande (Deutsche Rentenversicherung DRV ou « retraite légale » représentant 75% des prestations de retraite) vient d’annoncer que les retraites allemandes allaient être revalorisées.
Jusqu’ici, nous direz-vous, rien d’extraordinaire. Les pensions sont revalorisées chaque année. C’est presque vrai ! La revalorisation en France est de +0,1 % cette année, mais elles n’avaient plus connu de revalorisation depuis le 1er avril 2013. Alors que la hausse des retraites allemandes, au 1er juillet 2016, sera d’un niveau bien supérieur. En effet, les 21 millions de retraités allemands vont connaitre une augmentation de +4,35% à l’Ouest et +5,03% à l’Est, après plus de 2% cette année.
Comment expliquer un contraste aussi marqué entre ces deux pays ?
Il n’y a pas de différence fondamentale entre les deux systèmes de retraite. C’est ce que dit la Cour des Comptes qui a travaillé sur le sujet en septembre : « ils sont aujourd’hui comparables dans leur conception d’ensemble. » Les actifs financent les pensions des retraités par des cotisations, sur la base de régimes de base obligatoires et complémentaires (pas toujours obligatoires), selon un critère professionnel. Eurostat a ainsi calculé un agrégat prenant en compte les dépenses de pension de retraite et d’invalidité, publiques et privées, pour comparer les deux pays. Selon cette méthode, ces dépenses représentent 15,2% du PIB en France et 12,3% du PIB en Allemagne.
Ce sont en fait la hausse des salaires (3% cette année), un pilotage plus strict et une situation budgétaire équilibrée qui expliquent ces bons résultats et permettent cette réévaluation. Ainsi, depuis 2006, l’assurance vieillesse en Allemagne réalise des excédents, tandis que le système français connait des déficits depuis 2005. Pour comparer les deux pays d’un point de vue comptable, entre 2000 et 2014 l’assurance vieillesse c’est +16 milliards d’euros d’excédents en Allemagne, contre -65 milliards d’euros de déficit en France.
Si l’esprit est le même, l’évolution des deux systèmes diffère. Si bien que la Cour des Comptes reconnaît des réformes plus marquées en Allemagne tandis qu’elle accorde à la France un caractère « plus avantageux et solidaire ». Car si l’assurance vieillesse est excédentaire et permet une nette revalorisation, il convient de rappeler qu’en Allemagne 900.000 séniors de plus de 65 ans travaillent, pour assurer un niveau de revenus suffisant. En France, en 2013 le cumul emploi retraite concerne « seulement » 452.000 personnes, même si le dispositif est en croissance. Le taux de pauvreté en France chez les retraités est de 8 % (13,9 % pour l’ensemble de la population) contre 14,7 % pour les plus de 65 ans en Allemagne. Enfin, selon la DREES en France en 2012, le montant des pensions de droits directs tous régimes confondus était de 1 598 euros pour les hommes de plus de 65 ans, 811 euros pour les femmes, soit 1 250 euros en moyenne. Et en Allemagne, les données sont 1 599 euros pour les hommes, 643 euros pour les femmes et 1 071 euros en moyenne.
Si l’Allemagne connaît aujourd’hui une situation comptable enviable, son évolution démographique et son faible taux de natalité (1,4 enfant par femme depuis 1997 contre 2 en France) constituent à terme des enjeux plus préoccupants qu’en France. A horizon 2025 la vague des baby-boomers partant en retraite connaîtra en effet son apogée. C’est cette situation démographique qui a poussé le pays à conduire toute une série de mesures visant à préparer cette échéance. Des réformes, particulièrement dans les années 90, ont ainsi eu comme fil conducteur de préserver la compétitivité des entreprises et non pas d’assurer un niveau de ressources des retraités proche de leur niveau actif. Dès 2001, c’était un recul de l’âge de départ en retraite à 60 ans pour les femmes et 65 ans pour les hommes, puis 67 ans à taux plein en 2007 avec 45 années d’assurance pour une retraite sans décote. Puis une indexation sur les salaires nets, et non plus bruts.
Au final l’Allemagne et la France ont des systèmes assez comparables, se sont réformées à peu près au même moment, utilisant les mêmes leviers, mais dans des proportions et surtout selon des philosophies bien différentes. La problématique démographique a poussé les autorités allemandes à agir de manière forte pour assurer la pérennité du système, en mettant la compétitivité des entreprises au centre du dispositif. On en voit aujourd’hui les effets positifs. Ajoutons que l’arrivée récente des « migrants » sur le territoire allemand pourrait demain et surtout après rééquilibrer (en partie) la balance démographique, constituant ainsi une main d’œuvre supplémentaire qui viendrait augmenter le nombre de cotisants. La France de son côté, qui reçoit relativement peu de migrants, s’est contentée d’apporter des modifications moins importantes en assurant aux Français un système plus généreux et moins homogène – mais déficitaire.

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