L’Astuce

Exil fiscal des hauts revenus ? Pas seulement…

par | Août 11, 2015 | Actualités

2013 : 3.744 personnes ayant un revenu fiscal de référence supérieur à 100.000 euros ont quitté la France. Un chiffre en augmentation de +40% sur une seule année ! Quand on parle de ménages avec un revenu fiscal de référence supérieur à 100.000 euros, on parle d’un public qui en moyenne gagne 265.832 euros. Pour les revenus supérieurs à 300.000 euros, le chiffre des expatriations est de 659, une augmentation encore plus importante : +46% entre 2012 et 2013.
L’expatriation n’est pas un fait nouveau. En moyenne en effet, les Français expatriés représentent 2,5% de la population. Quand on parle d’exil fiscal, là encore, on connait le phénomène qui jusqu’ici touchait principalement les Français les plus riches, les destinations étaient alors très ciblées Suisse, Belgique, etc… Un public toujours sur le départ, puisque sur cette même période, entre 2012 et 2013, 714 ménages payant l’ISF ont quitté la France, soit une hausse de +15% sur un an. (Une augmentation relativement plus faible que pour les autres catégories de ménages aisés, mais une catégorie qui a commencé plut tôt à partir.)
Des hauts-revenus qui partent, mais pas seulement, des départs corrélés à la hausse de la pression fiscale, qui se concentre de plus en plus sur un nombre plus faible de contribuables.
Après les très riches, voici les retraités !
On sait en effet aussi que les retraités sont de plus en plus nombreux à quitter l’hexagone. Ainsi en Juin 2015, se sont 9% des retraités français qui vivent à l’étranger soit 1 253 187 personnes pour être précis, contre 12 529 274 retraités qui vivent toujours en France 91%. (Un chiffre qui aurait doublé en dix ans)
S’il y a eu tout d’abord, d’un côté les grosses fortunes qui partaient pour préserver leur richesse, d’un autre les Français d’origine étrangère qui retournaient passer leur retraite dans leur pays d’origine, il y a de plus en plus, aujourd’hui, une catégorie que l’on pourrait qualifier d’ « intermédiaire ». Ce sont des retraités aux revenus confortables, pas « très riches », mais pas « pauvres » non plus, et surtout sans attaches spécifiques avec le pays qu’ils choisissent.
Le critère principal des destinations retenues par ces pionniers français était le soleil (Maroc, Espagne, etc…) – on ne parle plus des personnes fuyant l’ISF, nous sommes ici dans l’équivalent américain des retraités qui gagnent la Floride ou des états ensoleillés – aujourd’hui le choix de la destination repose sur une combinaison plus complexe de critères. Dans cette combinaison, on compte le soleil (toujours), le pouvoir d’achat (prix immobilier notamment), le système de santé, les infrastructures et le dernier qui prend de plus en plus d’importance : la fiscalité.
La fiscalité, c’est aujourd’hui l’atout numéro un qui explique le succès du Portugal dans les destinations choisies par les Français. Auparavant le Maroc, l’Espagne étaient des destinations très prisées, aujourd’hui c’est le Portugal qui est le nouvel eldorado, la nouvelle mode.
Entre 2010 et 2013 le nombre de départs enregistrés pour le Portugal a triplé, passant de 227 à 617 départs. Qu’est ce qui explique ce soudain attrait pour le Portugal ? Sa fiscalité, pour sortir de la crise et attirer des étrangers à plus fort pouvoir d’achat, Lisbonne a décidé en 2012 la mise en place d’un dispositif d’incitation. Ainsi les nouveaux arrivants sont exonérés d’impôt sur le revenu pendant 10 ans, à condition de passer six mois par an sur place et d’avoir réalisé sa carrière dans le privé. C’est ce que l’on pourrait appeler du gagnant-gagnant : une destination fiscalement intéressante pour les ménages français, un gain de pouvoir d’achat lié aux faibles prix de l’immobilier (crise de l’immobilier) notamment ; et une idée originale de la part de ce pays qui a trouvé là le moyen d’attirer de la richesse et se sortir de la crise !
Depuis, entre mai 2013 et mars 2014, c’est même 2.200 Français qui ont bénéficié de ce dispositif si l’on en croit la chambre de commerce et d’industrie franco-portugaise, qui table même sur 20.000 nouvelles arrivées d’ici fin 2015.
Comme bien souvent il y a plusieurs perdants. L’Etat français, qui enregistre sur la seule année 2013 un manque à gagner de 4 millions d’euros sur les finances publiques, plus les pertes économiques liées à la consommation au quotidien de ces ménages qui sont partis, dont l’équivalent emploi qui, ainsi, disparaît.
Le Portugal aujourd’hui, un endroit où passer sa retraite sans payer d’impôt et bénéficier d’un coût de la vie plus favorable, et demain Madagascar, la Thaïlande ou encore le Brésil pour des raisons davantage économiques encore, qui accueilleront des retraités français (moins riches) qui viendront chercher le soleil toujours, et (surtout) un pouvoir d’achat plus important : c’est ainsi que se manifestent les choix de nos concitoyens… et qu’empirent les problèmes. Une part dépend de nous, la fiscalité, mais la concurrence fiscale en zone euro, au moins, est aussi un problème.

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