Le gouvernement avait jusqu’aujourd’hui mardi 21 juillet pour décider du taux retenu et applicable au Livret A à compter du 1er août, la décision est finalement tombée hier après-midi : ce sera 0,75%.
Petit rappel : le taux du Livret A est fixé sur décision du Gouvernement, après recommandation de la Banque de France, suivant un taux théorique calculé à partir du niveau d’inflation (hors prix du tabac) auquel on ajoute 0,25 points, la modification du taux intervenant tous les six mois, le 1er janvier et le 1er août. (Notons ici qu’il existe une deuxième méthode de calcul reposant sur une moyenne arithmétique reposant sur l’Euribor 3 mois, l’Eonia et l’inflation, on prend le chiffre le plus favorable aux déposants).
Ces dernières années, le faible niveau d’inflation a fait chuter le taux du livret A. Il était de 1% depuis 2014, suite à une baisse continue et significative depuis 2012. Mais elle aurait pu être plus importante encore si le Gouvernement avait suivi les recommandations passées de la Banque de France et de son taux théorique, ou tout simplement les taux du marché. Encore une fois, Christian Noyer, Gouverneur de la Banque de France, est monté au créneau toute la semaine dernière estimant qu’il était « hors de question que le taux ne baisse pas cette année ». En effet, il n’est pas rare de voir des gouvernements déroger à la règle du taux théorique : mieux vaut éviter de se fâcher avec 61 millions de détenteurs !
Deux options sont alors sur la table ces derniers jours : un taux théorique à 0,5% et un taux « politique » à 0,75%. Entre les deux, c’est le taux à 0,75% que le Gouvernement a retenu. Même si la publication par l’INSEE la semaine dernière du niveau d’inflation en Juin (+0,3%) a aidé en ce sens, la décision reste avant tout politique.
Le Gouvernement ne pouvait pas ne pas baisser le taux. En période de « restriction budgétaire », il ne pouvait se permettre de (trop) subventionner le Livret A. Le Livret A coûte cher. Par exemple, sur l’année passée, avec son taux à 1%, il représente un coût de 2,1 milliards d’euros pour les finances publiques.
Mais le gouvernement ne pouvait pas non plus amputer trop la rémunération de ce dernier et se mettre à dos une partie de l’électorat, surtout à six mois des élections régionales… Interrogé la semaine dernière sur la modification de taux, Manuel Valls rappelait être « attentif au pouvoir d’achat des plus modestes ». Le communiqué de la Banque de France va dans le même sens, justifiant son choix par l’augmentation future de l’inflation et par la « perspective de préserver encore mieux le pouvoir d’achat des épargnants ». Entre le taux théorique de 0,5% et le taux actuel de 1% le Gouvernement a coupé la poire en deux : ça sera donc 0,75%.
Préserver le pouvoir d’achat des plus modestes comme le dit le Premier Ministre ou celui des épargnants comme le dit le Gouverneur ? Lorsqu’on se penche sur la ventilation des 260 milliards d’euros du Livret A force est de constater que le Gouverneur est plus proche de la réalité. On sait que 50% des épargnants détiennent moins de 150 euros sur leur livret, les deux tiers moins de 1500 euros, et qu’au final 80% des encours (200 milliards) sont détenus par 11% des Livrets A.
Même si cette décision était attendue, même si elle peut passer pour un compromis acceptable, toujours est-il qu’en passant sous la barre des 1% le Livret A, vient de franchir un seuil historique et psychologique. De plus, rappelons qu’il s’agit là de la quatrième baisse consécutive.
Dans ces conditions, qu’est-ce qui peut encore pousser les Français à placer leur argent sur des Livrets A ? La réponse est simple, en dépit d’un rendement qui peut à première vue paraître faible. Le public concerné (pas les plus modestes) trouve son intérêt dans la défiscalisation du produit, dans sa liquidité (pas de frais d’entrée et de sortie, le capital reste disponible), autrement dit dans son rendement net ! En cette période de pression fiscale, la flexibilité, la liquidité, l’exonération de la fiscalité, expliquent la popularité que connaît ainsi le Livret A. Par contraste, la Banque de France dans son communiqué a raison de rappeler la réalité du marché (« le taux directeur de la Banque Centrale Européenne est de 0,05% »). Le livret A, même à 0,75%, demeure favorisé. Il rémunère généreusement un actif très liquide, au-delà des prix de marché, faussant ainsi la hiérarchie des taux.
Cette baisse de taux, aura néanmoins pour mérite de participer à un meilleur financement du logement social, permettant de construire plus de ce type de logements, et à une meilleure hiérarchie de la rémunération en fonction des durées de placement, le taux du livret A agissant comme une crémaillère sur l’ensemble des taux.
Parallèlement, en moyenne, les assurances-vie avec un taux de rendement moyen de 2,5% pour les fonds en euros et de 5,9% pour les unités de compte sur l’année 2014, ont réussi à capter une part croissante de cette épargne, un phénomène observé depuis quelques mois en parallèle de la décollecte du Livret A. Cette nouvelle baisse pourrait ainsi réduire le handicap que ce taux réglementé fait peser sur l’assurance-vie.