L’Astuce

Le débat sur le financement de notre modèle de retraite relancé.

par | Juin 11, 2015 | Actualités

Le Conseil d’Orientation des Retraites (COR) vient de présenter son rapport annuel sur les évolutions et les perspectives des retraites en France. Un peu plus d’un an après le vote de la loi n°2014-40 du 20 janvier 2014 garantissant l’avenir et la justice du système de retraite, plus de quatre ans après le vote de la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites, le débat sur la pérennité de notre système de retraite est relancé avec les conclusions de ce rapport.
Le COR a élaboré des projections, des « hypothèses » à long terme (horizon 2060), construites à partir de cinq scénarios, reposant sur les bases suivantes :
                                         Hypothèses économiques retenues par le COR
Différents scénarios économiques –  Taux de croissance des revenus d’activité par an  – Taux de chômage
A’                                                                                                  2%                                                            4,50%
A                                                                                             1,80%                                                            4,50%
B                                                                                             1,50%                                                             4,50%
C                                                                                             1,30%                                                                   7%
C’                                                                                                  1%                                                                   7%
Arrêtons-nous un instant pour étudier de plus près les hypothèses proposées.
Tout d’abord le cadre démographique, qui va déterminer le nombre de personnes en âge de travailler et celui des personnes en âge d’être retraitées. Pour se faire, le COR s’appuie sur les projections de l’INSEE : Rien à signaler !
Plus intéressant, le cadre économique, ce dernier repose d’une part sur l’activité (ou chômage) qui détermine le nombre de cotisants ; et sur les revenus d’activité d’autre part, la productivité, qui déterminent le niveau des salaires et la masse de cotisations.
Le chômage tout d’abord, sur les premières années de projection, les taux ont été retenus en cohérence avec le programme de stabilité, c’est-à-dire sur la base d’un chômage qui continue de progresser jusque 2017. Au-delà, les taux de chômage convergent progressivement, pour atteindre 4,5% en 2027 dans les scénarios A et A’, 4,5% en 2031 dans le scénario B et 7% en 2025 dans les scénarios C et C’.
4,5% ! 7% ! à la lecture de ces chiffres, difficile ne pas faire le parallèle avec le niveau de chômage actuel. Quand on sait que ce dernier est de 10,6% (ou 10,3% au sens du Bureau international du travail), qu’il faut remonter à 1978 pour voir un taux de chômage de 4%, et en 2008 pour un taux proche de 7%, les scénarios A’, A et B nous laissent rêveurs, et les scénarios C et C’, pourtant les plus défavorables, optimistes ! Rappelons que depuis 30 ans « dans la lutte contre le chômage, on a tout essayé » les niveaux de chômage retenus nous semblent alors peu réalistes.
Qu’en est-il alors des revenus d’activité, et en réalité de la productivité ?
Comme pour le taux de chômage, les hypothèses de croissance de la productivité des premières années reposent sur le programme de stabilité. Puis les taux convergent progressivement vers leurs valeurs de long terme, pour les atteindre entre 2023 et 2027 selon les différents scénarios. Des taux qui s’échelonnent de 2% pour le scénario le plus optimiste à 1% pour le plus pessimiste.
Quand on sait que sur les dernières années, la productivité horaire du travail a connu un ralentissement marqué dans tous les pays industrialisés, qu’elle est à la quasi-stagnation en France (0,2% en 2012), on peut douter là encore des taux retenus. La lecture détaillée des taux annuels moyens observés sur le passé confirme ce sentiment, il devient même difficile de retenir les scénarios A’ et A. Pour rappel, entre 1995 et 2012, c’est une croissance moyenne de la productivité de 1,2%, entre 2000 et 2012, c’est 0,9% (ce qui correspond au niveau des scénarios « pessimistes » du COR C et C’), et sur la période 2008-2014, les revenus d’activité bruts par tête n’augmentent pas : 0% !
Que nous apprend le COR ?
Sur la période actuelle, c’est-à-dire pour 2013, le solde de l’ensemble des régimes de retraite (avec le Fond de Solidarité Vieillesse) est déficitaire de 0,4% du PIB.
0,4% du PIB, c’est également le niveau de déficit prévu pour 2020. Un résultat qui est identique dans tous les scénarios, les hypothèses n’étant pas différenciées sur la période.
Pour retrouver un équilibre financier, il faudra donc attendre 2030 dans le scénario « central » (le scénario B : +1,5% par an des revenus d’activité et taux de chômage de 4,5%). Avec les scénarios très optimistes A et A’, c’est au milieu des années 2020 que l’on retrouve l’équilibre (taux de croissance des revenus d’activité de 1,8% et 2% et taux de chômage de 4,5%).
Par contre, le solde financier du système de retraite étant « très sensible au rythme des croissances des revenus d’activité », dans le scénario C le besoin de financement représente 0,5% du PIB (et se stabilise à ce niveau) à partir du milieu des années 2030. Et dans le scénario C’, les besoins de financement atteindraient un peu plus de 1% du PIB en 2040 et un peu plus de 1,5% du PIB en 2060. Espérons que nous éviterons ces scénarios…
Face à ces résultats contrastés, quels sont les moyens d’action ?
Le COR identifie « trois grands leviers » déterminant la situation financière du système :
Le « rapport entre le nombre de cotisants et le nombre de retraités », qui peut s’ajuster par l’âge effectif de départ à la retraite et la durée requise pour le taux plein ; le « niveau de prélèvement » ou taux de cotisation ; et « le niveau moyen de pension ».
D’après les travaux du COR, selon les différents scénarios, entre 2003 et 2060, la hausse de l’âge moyen de départ à la retraite permettrait de couvrir, entre 34 et 36 % du besoin de financement lié au vieillissement ; la hausse du taux de prélèvement global en couvrirait environ 18 à 19 %, et la baisse de la pension moyenne relative des retraités entre un peu plus d’un quart dans le scénario C’ à un peu plus des deux tiers dans le scénario A’.
Alors que dire après la lecture de ce rapport ? Qu’il aura au minimum le mérite de nous rappeler que le problème du financement des retraites n’est toujours pas réglé (mais nous en étions déjà convaincus). L’un des objectifs du rapport étant de servir de base à « des recommandations de modification des paramètres de retraite », une nouvelle réforme verra-t-elle le jour ? Nous verrons.
Il faut plutôt poursuivre les réformes dans le dialogue et le courage que penser « résoudre », il faudra des adaptations, cela nécessite de reprendre le travail pour trouver des sentiers soutenables et crédibles, pour ensuite intégrer les réformes des régimes dans une logique d’ensemble, c’est donc un travail à continuer…
Au-delà des réformes nécessaires, mais hypothétiques, les futurs retraités doivent donc se préparer à trouver des solutions apportant des compléments de ressources (des actions). Pour le moment, il semblerait que l’Epargne en assurance vie soit la solution plébiscitée par les ménages français, heureusement !
 
Pour plus d’information, vous pouvez consulter le rapport en ligne sur le site du conseil d’orientation des retraites en cliquant sur le lien suivant : http://www.cor-retraites.fr/IMG/pdf/doc-2801.pdf
Notes
Le Conseil d’orientation des retraites (COR) a été créé en 2000 pour étudier la question de la retraite en France. Depuis 2014, en application de la loi garantissant l’avenir et la justice du système de retraite, le COR doit « produire, au plus tard le 15 juin, un document annuel et public sur le système de retraite, fondé sur des indicateurs de suivi définis par décret au regard des objectifs énoncés au II de l’article L. 111-2-1 ».

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