Touria Jaaidane et Robert Gary-Bobo ont proposé, en juillet 2012, une étude quantitative de la réforme du régime spécial de retraite de la RATP, menée tambour battant à l’automne 2007, au début du mandat de Nicolas Sarkozy. Leur étude se centre principalement sur le cas des conducteurs de métro.
Si l’on repose le contexte, il faut tout d’abord noter que le pouvoir d’achat du point d’indice, qui sert de base au calcul des traitements à la RATP, n’a cessé de diminuer depuis 1981, affectant ainsi la valeur des carrières. De plus, les réformes précédentes, comme celle du gouvernement Juppé en 1995, ont été très douloureuses. Enfin, c’est l’Etat qui détient la RATP et qui subventionne le régime des retraites à hauteur de 50%.
Concernant les principales mesures de la loi de 2008, il y a tout d’abord l’augmentation de la durée requise pour la retraite à taux plein (elle passe de 37,5 ans à 41 ans) ; la diminution du taux de remplacement pour ceux qui veulent partir plus tôt (sous forme d’une décote) et la suppression de la bonification d’un an pour chaque tranche de 5 années (pour les nouvelles recrues, à partir du 1er janvier 2009). Tout ceci étant accompagné de mesures salariales d’accompagnement en contrepartie (sous forme de points de rémunération en toute fin de carrière).
Pour leur étude, les deux chercheurs ont mis en place un indicateur qui est le coût par agent et par année de service. On juge ainsi de l’efficacité de la réforme si ce coût diminue, permettant ainsi une économie de fonds publics.
Ils en viennent ainsi à la conclusion suivante : la réforme n’est pas mauvaise en son principe, elle n’est pas complètement ratée puisqu’elle crée bel et bien une incitation à partir plus tard (pour annuler l’effet de la décote) et réalise, à terme, une économie de fonds publics. Ainsi, alors qu’avant la réforme, les agents pouvaient partir dès 50 ans s’ils avaient effectué 25 ans de service effectif, il est maintenant préférable qu’ils partent à partir de 57 ans. En revanche, la réforme est gachée par une longue période transitoire qui conduit alors à une hausse des coûts et donc à une hausse des subventions de l’Etat (en effet, les agents recrutés avant 1967 cotisent suivant l’ancien régime et disposent de compensations supplémentaires), avant de commencer à faire des économies vers 2024. Ce régime transitoire est ainsi interprété comme un « cadeau » aux plus anciens des agents en place pour avoir le droit de mettre en place une réforme qui ne s’appliquera qu’aux plus jeunes, recrutés après le 1er janvier 2009.
Ainsi, la réforme décidée en 2008 commencera réellement à dégager des économies substantielles de fonds publics à partir du moment où tous les agents recrutés avant le 1er janvier 2009 seront partis, c’est-à-dire pas avant 2040. Touria Jaaidane et Robert Gary-Bobo soutiennent ainsi qu’une réforme protégeant la collectivité contre une hausse des coûts sociaux, à court et à moyen terme, aurait été préférable. Il n’était en soi pas abérant de conserver les droits anciens mais le problème relève des compensations supplémentaires accordées. Ils en arrivent donc, en se basant sur le cas emblématique des conducteurs de métro, à un jugement négatif du régime de retraite de la RATP.
Dans Pour un nouveau système de retraite, Antonio Bozio et Thomas Piketty montraient en 2008 qu’un système de retraite juste serait un système universaliste par répartition avec des règles de calcul qui seraient les mêmes pour tous. Ainsi, quand bien même il y aurait des droits additionnels, l’entreprise devrait y subvenir par elle-même.
Notons, pour finir, que le 13 septembre 2012, un rapport de la Cour des comptes (cf. Chapitre VI) revient sur les retraites de la SNCF et de la RATP et donne un « son de cloche » également très critique. En réalité, comme le souligne la Cour des Comptes, la réforme des régimes de retraite est encore devant nous. Tout suggère que c’est une des clés de la compétitivité française, un des leviers les plus puissants sur lesquels on peut jouer pour le redressement du pays. Les privilèges des uns et des autres en matière de droit des pensions vont donc être mis sur la table, tôt ou tard. Nous semblons donc aller vers l’abolition des derniers régimes dérogatoires.