Jacques Attali a remis son rapport « 300 décisions pour changer la France » le mercredi 23 janvier au Président de la République. Parmi ces propositions, plusieurs concernent la retraite. Le rapport souligne la nécessité d’améliorer le taux d’emploi des seniors et de favoriser le développement de l’épargne retraite.
Ainsi, le rapport demande de « laisser à tout salarié le libre choix de poursuivre une activité sans aucune limite d’âge (une fois acquise la durée minimale de cotisation) en bénéficiant, à compter de 65 ans, d’une augmentation proportionnelle de sa retraite et en supprimant tous les obstacles aux cumuls emploi-retraite, et tous les dispositifs de préretraite. »
Il préconise également de « permettre à chacun de retarder, s’il le désire, son départ à la retraite.
Une fois la durée minimale de cotisation acquise, il faut laisser à
chacun le choix du moment de son départ à la retraite. Un supplément
de cotisation pourra être attribué au-delà de 65 ans.
Ainsi, s’il a cotisé le nombre minimum d’annuités nécessaire
(nombre qui pourra être revu en fonction de l’évolution démographique),
le salarié peut décider lui-même s’il souhaite bénéficier
immédiatement d’une retraite à taux plein, ou s’il souhaite continuer
à exercer son métier quelques années. Cela suppose que les
entreprises ouvrent la possibilité d’avoir des horaires aménagés à
partir d’un certain âge sur le modèle des quatre cinquièmes déjà
pratiqués, voire du mi-temps. La collectivité sera alors en partie
déchargée du poids du financement des retraites, à mesure que
certains salariés décideront éventuellement de prolonger leur
carrière.
• Réduire le coût du travail des seniors en abaissant de 65 à 55 ans
l’âge au-delà duquel l’entreprise et le salarié sont exonérés de la
cotisation d’assurance chômage et en favorisant une flexibilité
accrue dans la gestion des rémunérations.
• Inciter les entreprises à équilibrer les montants consacrés à la
formation sur l’ensemble des tranches d’âges.
• Structurer et renforcer les services dédiés aux 55-65 ans au sein des
structures publiques de placement (type ANPE ou APEC-Association
pour l’emploi des cadres), afin de faciliter la recherche d’emplois
pour les seniors et de promouvoir leur valeur ajoutée.
• Favoriser les initiatives d’acteurs privés, d’agences d’intérim, de
cabinets de recrutement ou d’associations visant à mettre en
relation seniors et employeurs.
• Aider les seniors à créer des entreprises et à s’insérer dans les
associations et les ONG qui peuvent bénéficier massivement de
leurs compétences.
• Investir les régions d’une responsabilité particulière dans l’application
de ces dispositifs. »
Il souhaite également – lever toutes les interdictions de cumul emploi-retraite. Pour percevoir sa pension, un assuré doit normalement cesser son activité professionnelle. Néanmoins, il existe dans certains cas des possibilités de cumuler une pension de retraite et un emploi. Pour les retraités qui relèvent du régime général ou du régime des salariés agricoles et dont les pensions ont pris effet après le 1er janvier
2004, il est possible de reprendre une activité professionnelle à
condition de ne pas dépasser un plafond de revenu.
Cette possibilité doit être étendue à tous les salariés et tout
plafond de revenu supprimé.
Pour les salariés à la retraite au moment de la réforme, la levée
de l’interdiction doit être pure et simple. Pour ceux qui sont encore
en activité, la levée de l’interdiction doit être applicable seulement
si le salarié change d’entreprise, ou s’il crée sa propre activité, afin
que le dispositif ne soit pas détourné de sa vocation.
Jacques Attali demande la fin des régimes des dispositifs en faveur des préretraites afin d’accroitre la quantité de travail.
Sur l’épargne retraite, il préconise de modifier la fiscalité de l’épargne pour favoriser le risque plus que la rente.
La tradition française encourage l’épargne de court terme à rendement faible mais sûr (plan d’épargne logement, livret développement durable, livret A), ce qui attire des sommes colossales vers le financement de la dette de l’État et des entreprises au détriment des actions et des retraites. Cette allocation des ressources ne permet pas d’orienter
l’épargne vers un horizon d’investissement de long terme. La part
des dépenses de retraites dans le PIB augmentera de 12,8 % en
2003 à 16 % en 2050. Cela impliquera au moins un triplement des cotisations d’épargne retraite des Français. Le Fonds de réserve des retraites institué en 1999 pour soutenir le régime par répartition n’a jamais été doté des actifs à la hauteur de son ambition initiale et ne résoudra qu’une faible partie du problème. La montée en puissance de l’épargne retraite individuelle ou collective est donc nécessaire. La loi Fillon de 2003 a introduit de nouveaux dispositifs d’épargne : Plan d’épargne retraite populaire (Perp), Plan d’épargne pour la retraite collective (Perco), etc.
Cependant, la moitié des salariés ne sont pas couverts par un
dispositif d’épargne collective. Le Perp stagne autour de 2 millions
de bénéficiaires, et seulement 1,3 million de salariés disposent
d’un Perco, dont 250 000 ont déjà effectué des versements, avec
un encours moyen de 4 000 euros. Au total, les dispositifs individuels
et collectifs destinés à la retraite ne représentent que
9 milliards d’euros de collecte en 2005 contre 120 milliards pour
l’assurance-vie.
Compte tenu de la durée moyenne d’investissement des particuliers
sur les contrats d’assurance-vie en euros, les assureurs les
gèrent avec une pondération forte en obligations permettant de
fournir le rendement attendu dans des conditions de sécurité satisfaisantes.
Paradoxalement, les assureurs ne semblent d’ailleurs pas
gérer le Perp de manière plus active (seulement 15 % des encours
placés en actions).
Il demande d’étendre les dispositifs d’épargne salariale dans les PME en abaissant le seuil rendant la participation obligatoire à 20 salariés.
Les PME de moins de 50 salariés qui se doteront d’un accord de
participation bénéficieront d’un taux d’Impôt sur les sociétés réduit ;
les dirigeants et mandataires sociaux de toutes les PME (et pas
seulement celles de moins de 100 salariés) auront la possibilité de
bénéficier du Plan d’épargne pour la retraite collective (Perco). Pour
augmenter le nombre de salariés bénéficiant du Perco, les règlements
négociés des Perco devront pouvoir prévoir sous certaines
conditions1 une formule d’adhésion collective automatique avec
une clause d’opting out. Enfin, il faudra prévoir dans la libéralisation
de la commercialisation des livrets A la création d’un livret A’, avec
les mêmes caractéristiques fiscales que le livret actuel mais avec
une vocation épargne retraite. Il pourra bénéficier aux salariés ne
disposant pas d’un Perco, aux travailleurs indépendants et aux
agents des trois fonctions publiques. L’investissement se fera en
OPCVM (Organismes de placement collectif et valeurs mobilières)
ou en titres vifs sous mandat.
Il avance l’idée de permettre aux règlements négociés des Perco de prévoir une adhésion collective automatique avec une clause d’opting out. Selon des études américaines, un tel système permet de faire
passer le taux d’adhésion des salariés de 40 à 80 %.
Il propose de créer un crédit d’impôt (de 250 ou 300 euros par an) pour les sommes investies par les moins de 45 ans dans un Perco. (Cette
décision coûterait 187 millions d’euros si 5 % des salariés en
bénéficiaient, 562 millions pour 15 % des salariés.)
Il souhaite par ailleurs l’émergence d’un fonds souverain français
La Caisse des dépôts et consignations (CDC) dispose d’un positionnement unique dans le paysage financier français. Son statut lui
donne accès à une capacité de refinancement de type « souverain »,
à l’emploi des dépôts des professions réglementées, et lui permet de
financer ses projets sans avoir à justifier d’une rentabilité sur fonds
propres au niveau exigé par le marché pour un opérateur bancaire
traditionnel. Cela suppose de focaliser son intervention sur des projets dont le niveau de rentabilité est trop limité pour un investisseur de marché mais produisant des externalités positives suffisantes pour justifier la mobilisation de ressources (universités, recherche, logement social), dont l’horizon de rentabilité est trop éloigné pour des investisseurs traditionnels (30 à 50 ans) ou dont le niveau de risque unitaire est trop élevé pour un prêteur ou un actionnaire traditionnel, compte tenu du taux de rendement interne attendu (amorçage, capital développement) ou du degré d’incertitude sur la nature du risque et des responsabilités associées (environnement). La CDC pourra être autorisée, dans une proportion compatible avec ses fonds propres, à développer ses émissions d’obligations de long et très long terme (20 à 50 ans) pour attirer les capitaux sur des projets de développement et d’infrastructure dépassant l’horizon de financement des acteurs bancaires traditionnels, dans le cadre d’une stratégie d’investisseur
à long terme. Ces obligations pourront attirer des investisseurs
internationaux et constituer une classe d’actifs attractive pour des
contrats d’assurance-vie davantage orientés vers le financement des
retraites. La gouvernance de la CDC devra être revue pour mieux assurer sa transparence et son efficacité au service des objectifs ci-dessus.