- Gilles Carrez
Le 26 avril dernier, le Conseil scientifique a invité Gilles Carrez, rapporteur général du budget à la Commission des Finances à l’Assemblée nationale à participer à un débat avec Claude Tendil Président du Groupe Generali en France.
Mercredi 26 avril 2006
Présents : Gilles Carrez, rapporteur général du budget à la Commission des Finances à l’Assemblée nationale.
Generali : Claude Tendil, Alain Ficheur, Stéphane Dedeyan
Conseil Scientifique : Jean-Paul Fitoussi, Jean-Pierre Gaillard, Robert Baconnier, François Héran, Florence Legros, Jacques Barthélémy, Jérôme Jaffré, Jean-Pierre Thomas
Cercle des Epargnants : Philippe Crevel, Alice Blouet
Excusé : Jean-Yves Hermenier
Thèmes abordés :
Sondage Cercle des Epargnants, information des futurs retraitésLe déficit public, le taux d’épargne
Bilan du PERP et propositions de réformes
Les activités du Cercle des Epargnants
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1. SONDAGE « LES FRANÇAIS ET LA RETRAITE »
Jérôme Jaffré a présenté les grandes lignes de l’enquête qu’il a réalisée pour le compte du Cercle des Epargnants.
Le voile de l’ignorance
Les Français appréhendent avec difficulté le problème de leur future retraite et les moyens de garantir leurs revenus. Plus de 50 % des non-retraités n’ont pas une vision claire de leur retraite ; ce taux est de 58 % pour les 30-44 ans. Jérôme Jaffré a fait remarquer que seulement 41 % des non retraités se disent bien informés et que 36 % des 30-44 ans ne sont pas bien informés mais ne souhaitent pas l’être. Il a noté que les Français évaluaient à 63 % de leurs revenus, en moyenne, le montant de leur future pension ce qui correspond à une bonne estimation. En revanche, ce taux diminuera inéluctablement dans les prochaines années. Il a souligné que le montant des besoins était considérable, les Français estimant qu’il faudra 84 % des leurs revenus d’activité pour bien vivre durant leur retraite.
46 % des retraités considèrent que leurs revenus sont inférieurs à leurs prévisions.
Cette ignorance s’accompagne d’un fort taux d’inquiétude ; 65 % des Français se disent inquiets ; ce taux est d’autant plus élevé que le niveau de revenus est faible.
Consensus politique, coupure générationnelle
Néanmoins, il convient de remarquer que le système mixte est globalement accepté (62 % des Français). Il n’y a pas de clivage politique sur ce sujet (60 % pour les sympathisants de gauche, 66 % pour les sympathisants de droite).
Il y a en revanche une coupure générationnelle. Les actifs de moins de 45 ans placent les ménages au même niveau que l’Etat et la Sécurité sociale pour financer le système de retraite alors que les plus de 45 ans privilégient les pouvoirs publics.
Les Français souhaitent que l’entreprise à travers l’épargne retraite collective puisse jouer un rôle plus important ; l’entreprise providence étant appelée à remplacer l’Etat providence pour reprendre une formule de Laurence Parisot.
Sécurité et tradition pour les placements retraite
Sans surprise, Jérôme Jaffré a noté que les Français attendent d’un placement « épargne-retraite » de la sécurité.
Sinon, plus de la moitié des Français épargnent en vue de leur retraite dont 52 % des 30-44 ans ; en moyenne, ils y consacrent 1448 euros. En termes de placements, ils privilégient les placements sans risque comme les comptes sur livrets. L’acquisition de la résidence principale constitue une des moyens mis en avant par les Français pour préparer leur retraite.
L’assurance-vie est aujourd’hui, de facto, un produit d’épargne retraite cité à 44 % par les Français et par 69 % des personnes qui épargnent pour leur retraite. Le PERP, avec respectivement 8 et 14 %, réalise un résultat honorable compte tenu de sa jeunesse.
Florence Legros considère les résultats du sondage inquiétants. Elle a noté que la prise de conscience des Français face au défi du financement de leur propre retraite était lente. Elle a rappelé qu’il y avait un risque non négligeable de paupérisation des futurs retraités.
Florence Legros a souligné que le prochain rapport du Conseil d’Orientation des Retraites reposait sur des hypothèses irréalistes, en particulier en ce qui concerne le taux de chômage. Retenir un taux de 3,5 % aboutit à fausser l’ensemble des résultats des équations retenues. Elle considère que depuis des années, il est mentionné que la baisse du chômage est automatique pour des raisons démographiques. Or, les préretraites, la réduction du temps de travail ainsi que l’arrivée sur le marché du travail de classes d’âge aux effectifs plus faibles n’ont pas eu d’effets majeurs sur les statistiques du chômage. Jean-Paul Fitoussi a mentionné que le taux de croissance nécessaire pour obtenir une stabilisation du taux de chômage était de 1,5 % aujourd’hui alors qu’il était de 2,5 % il y a quelques années.
Gilles Carrez a rappelé que, depuis de trop nombreuses années, les pouvoirs publics retenaient des hypothèses sans lien avec la réalité.
Sur les questions démographiques, François Héran a rappelé que trop souvent on s’intéressait au bas de la pyramide des âges alors que la vraie révolution se situe à son sommet avec l’allongement de la durée de vie. Il convient aujourd’hui de revoir les hypothèses sur la mortalité. La question de la dépendance risque de devenir centrale. Il s’est interrogé sur les conséquences de ce vieillissement ; les progrès de la médecine permettront-ils de vivre mieux à des âges avancés de la vie ? L’apparition de nouvelles maladies ou le développement de maladies liées au fait que les femmes et les hommes vivent de plus en plus longtemps n’est pas sans conséquences en matière de finances publiques.
2. LE PERP : BILAN ET REFORMES
Miscelling
Claude Tendil a souligné que le PERP avait été distribué essentiellement par les banques lors de sa première année du fait d’une forte pression commerciale. Il en résulte qu’après 1,3 million de contrats souscrits en 2004, il y a eu un essoufflement en 2005 avec seulement 400 000 nouveaux PERP souscrits.
Il a fait remarquer que les contrats Madelin avaient connu également des débuts difficiles ; or aujourd’hui, le taux de pénétration de ce produit est de 40 % avec un bon indice de satisfaction ; le Groupe Generali ayant 25 % de ce marché.
Jacques Barthélémy, auteur des dispositions législatives concernant les contrats Madelin, a souligné que ces contrats ne pouvaient être assimilés au PERP car ils correspondaient au second pilier de retraite pour les indépendants et les professions libérales. A ce sujet, il a regretté qu’une couverture chômage n’ait pas été intégrée dans les contrats Madelin. Il a mentionné qu’il y avait souvent des confusions sur les différents niveaux d’épargne retraite. Par ailleurs, il s’est prononcé pour une rationalisation des enveloppes de déduction fiscale et sociale qui concernent tout à la fois des produits individuels que collectifs, des régimes de second niveau et des régimes de troisième niveau.
Donner tu temps au temps avant de s’engager dans une refonte du PERP
Claude Tendil, ainsi que l’ensemble des participants, ont souligné la nécessité de ne pas modifier, en permanence, le cadre législatif et réglementaire de l’épargne. Robert Baconnier a souligné les méfaits de l’instabilité fiscale et de la rétroactivité. Il a mentionné qu’un jour ou l’autre, le Conseil Constitutionnel serait amené à trancher cette épineuse question.
Selon Claude Tendil, la seule modification du mode de sortie du PERP ne saurait suffire pour améliorer le produit. Il a préconisé une série d’aménagements visant à desserrer les contraintes pesant sur ce produit. Gilles Carrez s’est interrogé sur le bien-fondé d’une éventuelle réforme du PERP compte tenu de ses mauvais résultats. Il ne faudrait pas qu’une réforme aboutisse à tuer le PERP. Par ailleurs, il a insisté avant tout sur l’importance de mener un travail de pédagogie afin d’expliquer la portée des produits.
Il a été jugé peu opportun de modifier immédiatement le PERP et préférable de privilégier une action à moyen terme dans le cadre, par exemple, du prochain projet de loi de finances. Claude Tendil a suggéré que le Cercle des Epargnants établisse une note adressée aux élus précisant des pistes de modifications.
En ce qui concerne le problème de la sortie en capital, deux pistes ont été évoquées :
Prévoir une sortie en capital pour les PERP dont les encours seraient faibles afin d’éviter le versement de rentes ridiculesPrévoir dès le départ un montant minimum de prime, faute de quoi le PERP pourrait être requalifié
Jean-Pierre Thomas a évoqué trois freins au développement du PERP :
Les règles de cantonnementLes règles de commissionnement
La question des rétrocessions.
Gilles Carrez a répondu que de nombreuses contraintes pouvaient être levées par voie réglementaire.
Sur le cantonnement, il a été convenu que si cette disposition répond à un évident souci de sécurisation, elle aboutit en période de faible taux d’intérêt, à proposer des produits peu attractifs.
Stéphane Dedeyan a mentionné qu’en l’état actuel le PERP n’offrait pas un commissionnement suffisant surtout par rapport à l’assurance-vie. Les contraintes cumulées sur le PERP rend difficile sa commercialisation d’autant plus que l’intermédiaire n’y trouve pas son intérêt. Il a insisté sur le fait qu’un produit était celui qui satisfaisait à la fois l’épargnant, les intermédiaires et la compagnie d’assurance qui en assure la production. Il a critiqué la complexité du produit et l’effet pervers de l’enveloppe commune.
Sur l’interdiction des rétrocessions, Jean-Pierre Thomas a indiqué que cela constituait un frein évident.
Jean-Pierre Thomas a également mentionné la faiblesse du private-equity dans la gestion d’actifs et souhaité le passage à 10 % du montant maximal pour ce type de placement.
Claude Tendil a fait remarquer qu’aujourd’hui le problème du private-equity c’était avant tout un problème d’offres sérieuses reposant sur de véritables projets.
Claude Tendil et Jacques Barthélémy ont jugé nécessaire d’associer au PERP des produits dépendance. Jacques Barthélémy a indiqué que le PERP était plus un produit d’épargne que d’assurance, la notion de risque disparaissant du fait de l’allongement de la durée de la vie ; de même, il a mentionné que l’assurance-vie était avant tout utilisée comme un produit d’épargne et il s’est, de ce fait, interrogé sur un risque juridictionnel de requalification de certains types de contrats.
En réponse à une interrogation de Jacques Barthélémy sur le rôle des associations, Claude Tendil a souligné qu’il croyait en leur utilité. Les associations à l’instar de ce que réalise le Cercle des Epargnants, se doivent de conduire des actions de pédagogie de manière indépendante des compagnies d’assurances. Elles ne peuvent être assimilées à celles qui avaient été constituées, il y a quelques années, pour des raisons fiscales.
3. LA DETTE, LES DEFICITS, L’EPARGNE, LA RETRAITE ET LES FRANÇAIS
Gilles Carrez a mentionné sa solitude dans sa lutte contre la dette publique. Avec Pierre Méhaignerie, Président de la Commission des Finances, il est un des rares à se battre pour une véritable maîtrise des dépenses publiques. Il a fait remarquer que les ministres et les députés n’ont pas encore pris conscience de l’auto-alimentation de la dette publique. Le seul respect du critère des 3 % de déficit public ne saurait suffire à ses yeux pour résoudre le problème de la dette publique.
Gilles Carrez s’est interrogé sur les conséquences de la progression de la dette et des menaces pesant sur les retraites sur le taux d’épargne des Français.
Jean-Paul Fitoussi a souligné, à ce sujet, que le taux d’épargne des Français figure parmi les plus élevés avec un taux de 15 % du revenu disponible brut et de ce fait, son augmentation n’était pas le scénario le plus probable.
Il a été évoqué la question des comparaisons internationales en matière de taux d’épargne. Le taux français est élevé du fait que qu’une grande partie des dépenses de protection sociale sont collectives et financées par les cotisations sociales et par la CSG alors qu’aux Etats-Unis, la part à la charge directe des individus est plus importante. Néanmoins, cette différence n’explique par le ratio de 1 à 15 constaté.